La démocratie n'est pas un modèle de gouvernement. La démocratie est un concept, une idée, une idéologie à géométrie variable.

 

Les différents gouvernements qui se revendiquent de la démocratie ne sont pas superposables, ils en représentent différentes acceptions. 

 

Étonnamment, deux gouvernements qui se disent démocratiques ne se reconnaîtront pas nécessairement l'un l'autre comme tels. 

 

Une constante cependant, si une "démocratie" se présente comme LA démocratie, elle glisse vers une forme de totalitarisme.

 

LA démocratie par essence refusera les nuances, les errements, les variations-adaptations des autres. Et leurs partis pris.

 

Lors de la Révolution française, une idée unique du révolutionnaire fut cristallisée, tout dissident accablé (c'est une litote).

 

Ce qui est vécu comme révolutionnaire, comme démocratique, comme juste ou bon ou propre varie d'un endroit à l'autre.

 

Et en un même endroit, ce qui est vécu comme démocratique varie dans le temps.

 

Et dans un même endroit, à une même époque, ce qui est vécu comme démocratique varie d'un individu à l'autre.

 

Le faible nombre de référendums va brusquer les uns et la répartition des budgets va en offusquer d'autres.

 

Chacun pourra affirmer que telle ou telle réforme assied ou affaiblit la démocratie qu'il reconnaît à un gouvernement. 

 

Mais personne ne peut s'ériger en grand maître de la démocratie et décréter ce qui est ou n'est pas démocratique. 

 

Si un individu devait faire cela, nous vivrions dans une théocratie où la démocratie serait divinisée et cet individu bombardé prophète. 

 

Il aurait un lien, une alliance particulière, avec le concept-dieu de démocratie, et seule sa voix pourrait éclairer ses congénères.

 

Un désaccord avec le prophète, et ce serait un blasphème. Un crime de lèse-majesté. Une abomination. 

 

Alors le prophète deviendra le tyran d'une théocratie dont le dieu est un concept nommé Démocratie. 

 

Or un mot recouvre une surface conceptuelle variable selon 1. l'espace, 2. le temps et 3. les individus qui font appel à lui.

 

Le concept de démocratie n'appartient pas à un individu ni à une définition figée. 

 

Un tel concept est plus délicat que sacré, il se modèle comme une terre glaise, il est et continue d'être protéiforme.

 

La démocratie se travaille avec les mains. Et les erreurs arriveront. Comme elles sont déjà arrivées. 

 

Les erreurs les plus graves sont commises par les prophètes. 

 

Maintenant jouons à un jeu. Remplaçons le concept idéologique de démocratie par un autre. Projetons le raisonnement. 

 

Prenons une notion qui est sacralisée, qui est protéiforme mais présentée comme soumise à une vision unique. 

 

Deux exemples - chacun m'étant cher - me viennent à l'esprit. L'écologie et le féminisme. 

 

Il n'y a pas à ériger en vertu L'écologie-en-tant-que-telle, porteuse de valeurs homogènes d'un écologiste à l'autre. 

 

Pourquoi ? Parce que tout le monde ne vit pas l'écologie de la même manière. Des débats abordent le nucléaire et les OGM.

 

Des courants se créent. Et s'affrontent. Parfois violemment. 

 

Et la pire insulte à adresser est "Vous n'êtes pas (des vrais) écologistes !" Sous-entendant : moi si, et moi je suis prophète.

 

Idem pour le féminisme. Il n'y en a pas UN, unique et indivisible, c'est une illusion. L'électricité déclenchée par les Femens en atteste.

 

Alors il reste les mots. Ils sont un peu cons, seuls, les mots. 

 

Si j'utilise les mots, je suis pour la nature, pour les femmes et pour la démocratie. Ce sont des mots. 

 

Personne (ou presque) ne dira je suis contre la nature, les femmes doivent être asservies et la démocratie ça pue. 

 

Chacun utilisera les mots érigés en valeurs, les mots sacralisés. Et d'aucuns seront accusés de mal servir les mots.

 

Oh bien sûr je crois qu'il faut continuer de les employer. 

 

Et se rappeler que la surface qu'ils recouvrent est variable, non-universelle, non-tyrannique, qu'elle appelle à l'échange.

 

Pour cela, la capacité à débattre, donc d'abord à s'ouvrir et entendre, doit être acquise puis développée. 

 

Et je trouve riche le débat avec un individu qui est loin de moi idéologiquement et prêt à échanger.

 

Et je trouve pauvre le débat sur des nuances avec l'individu proche de moi idéologiquement qui ne sait pas échanger. 

 

Les prophètes de la gauche, de la droite, de l'écologie, de l'indignation, du féminisme et de la démocratie m'emmerdent. 

 

Vous n'êtes pas mes prophètes, je ne vous reconnais aucune prérogative de prophète. Je ne crois en aucune prophétie. 

 

Mais je veux bien échanger. Et même changer au contact de ceux qui portent de belles idées que je n'ai pas encore. 

 

Les belles idées que je n'ai pas encore embrassées.

 

"Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis."

Antoine de Saint-Exupéry (Citadelle).

 

C'étaient les mini-chroniques du débat, des idées, des mots et des prophètes. 

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Je tiens à remercier la démocratie, l'écologie et le féminisme pour leur aimable participation. 

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